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Pillage à Brétigny : le « scoop » du Point provient d’un journaliste-bidonneur

Info Panamza. Les dernières informations du Point.fr au sujet du déraillement de Brétigny-sur-Orge ont été produites par un journaliste qui enseigne à ses étudiants comment bidonner un article.

Neuf jours après les faits, le mystère persiste sur l'exactitude des incidents qui se sont produits. Cela n'empêche pas certains médias nationaux de se précipiter dans la brèche et de livrer une version présentée comme vraisemblable et "sans ambiguïté". Arrêt Sur Images est le premier site à mettre clairement en doute, après les réserves exprimées par Le Monde et le nouveau démenti apporté par Essonne Info, le "scoop" révélé jeudi par Le Point et partagé par plus de 28000 internautes sur Facebook : selon le magazine, des "jets de projectiles" et des "vols sur les victimes du déraillement du train" se sont bien déroulés -comme l'affirment plusieurs figures de la droite et l'extrême droite- le vendredi 12 juillet, peu de temps après le déraillement du train Paris-Limoges.

Or, comme le souligne ASI, l'article s'appuie sur un document "exclusif" particulièrement approximatif, issu de la direction centrale des CRS. Ces derniers, arrivés 1h30 après l'accident, y font pourtant état de caillassages et de vols "d'effets personnels sur les victimes". Aucune précision n'est apportée sur l'origine de ces témoignages bruts : s'agit-il d'une observation directe? De rumeurs rapportées? D'une déduction? Mystère.

Voici ce que rapporte ASI à propos de l'un des co-auteurs de l'article du Point.fr :

Sur la base du rapport des CRS, si les scènes de caillassage sont possibles, celles de pillages de victimes ne le sont donc pas, étant donné que les CRS sont arrivés bien après. Le Point avait-il vérifié les horaires ? L'un des auteurs de l'article est bien connu des @sinautes. Il s'agit de Jean-Michel Decugis, l'auteur de l'enquête du Point sur "la femme de polygame"… qui s'appelait Adbel. Abdel, un fixeur, avait piégé le journaliste du Point pour démontrer que les journalistes ne faisaient pas les vérifications nécessaires quand ils enquêtent sur la banlieue.

Joint par @si pour ce nouveau "scoop", Decugis nous indique que "dans le rapport des CRS, il n'y a pas marqué à quelle heure ils sont arrivés". "Je ne pense pas que dans leur synthèse, les CRS s'amusent à raconter des trucs sur lesquels ils ne sont pas intervenus", nous assure-t-il. Oui, mais Le Monde dit que ce n'est pas une enquête. "Bien sûr que ce n'est pas une enquête, c'est une synthèse, mais à partir des constatations faites. Pour moi, c'est très fiable". Mais si la gare était bouclée à 18h et qu'ils ne sont arrivés qu'à 19h, ils n'ont pas pu voir des victimes dépouillées dans les premières minutes ? "A voir", répond Decugis.

                                              photo-Outreau-l-autre-verite-2012-15

                                                                     Jean-Michel Décugis

Au sujet de son allusion à l'enquête sur "la femme de polygame", ASI fait preuve d'une excessive délicatesse pour nommer les choses : en 2010, le journaliste Jean-Michel Décugis, assisté par une Sonia Imloul devenue depuis bouc émissaire de l'affaire, a bel et bien trompé -lui et ses deux co-auteurs- les lecteurs du journal en leur laissant penser qu'il avait rencontré ce personnage inventé de toutes pièces par Abdel El-Otmani.

 

Il s'agissait d'un entretien réalisé par téléphone : Jean-Michel Décugis, "spécialiste des banlieues" selon Laure Adler, avait même décrit, dans son article intitulé "Un mari, trois épouses", le visage "légèrement scarifié" de cette femme.

Le PDG du magazine n'avait pas condamné la malhonnêteté du procédé: pour Franz-Olivier Giesbert, il s'agissait simplement d'un "mauvais concours de circonstance", voire d'un "coup monté". L'Edition Spéciale de Canal+ avait également manifesté sa solidarité envers Le Point, présenté comme une victime de l'affaire. Même défense corporatiste pour l'hebdomadaire L'Express et le site Slate. Comble de l'ironie, la posture victimaire fut adoptée par Jean-Michel Décugis lui-même qui menaça plusieurs médias de porter plainte pour "diffamation". Le quotidien belge Le Soir avait pourtant posé la bonne question : "De fait, qui est le plus à plaindre, le journaliste piégé ou les lecteurs du Point?"

A l'inverse des sauveurs du Point, le sociologue Eric Fassin avait salué cette "ingénieuse supercherie" tandis que l'avocat Gilles Devers avait fustigé le magazine qui "nous roule dans la farine".

Outre le racolage de ses couvertures islamophobes, Le Point est coutumier, comme le rappelle fréquemment le site Acrimed, de petits arrangements avec la vérité sous prétexte, parfois, de contacts privilégiés avec des sources policières.

Quant à Jean-Michel Décugis, "grand reporter" présenté -sans rire- par Rue89 (sous la plume de l'une de ses anciennes élèves) comme un "enquêteur sérieux", l'auteur de ces lignes peut témoigner d'un incident révélateur à son sujet. Au printemps 2008, je suivais un cours relatif à "l'écriture journalistique" et dispensé par l'intéressé au Centre de Formation des Journalistes de Paris. Mon choix de sujet s'était porté sur le cas de ces immigrés clandestins, tel Baba Traoré, qui trouvaient la mort en fuyant la police. Lors de nos corrections, Jean-Michel Décugis ne cessait d'altérer certaines informations de mes papiers : ainsi, tel patronyme ne lui convenant pas, il décidait d'en changer. Même chose pour l'âge, le métier ou la ville de résidence des personnes interrogées. Il fallait être "efficace" et ne pas s'embarrasser d'une quelconque rigueur que personne ne viendrait vérifier derrière. Au début, j'avais cru que son intention consistait à tester la résistance et l'aplomb de ses étudiants avant de m'apercevoir qu'il nous encourageait bel et bien à ne pas nous soucier des détails, pourvu que l'article rédigé soit captivant. Le sensationnel au détriment du réel, en somme.

Mon refus nous a conduit à une altercation verbale. A ma grande surprise, tous les autres étudiants de ce cours se sont pliés sans rechigner à la méthode Décugis. Si certains ironisaient dans les couloirs sur la malhonnêteté du procédé, la plupart n'y trouvaient simplement rien à redire. Pour cause : ce cours faisait l'objet d'une notation supervisée par Christophe Deloire, alors directeur du CFJ et actuel patron de Reporters sans frontières. Celui-ci avait fait venir le journaliste au CFJ pour le simple motif que ce dernier était auparavant son camarade à la rédaction du Point. Comme Décugis, Deloire aime les sujets sensationnalistes, quitte à déformer la réalité comme l'illustre son "enquête", chaleusement recommandée par l'ex-Frontiste Bruno Mégret et intitulée "Les islamistes sont déjà là".

Si Jean-Michel Décugis n'a pas été sanctionné pour son bidonnage sur la "femme du polygame", contrairement à ce qui se serait produit en Angleterre ou aux Etats-Unis, la raison en est simple: aux yeux de nombreux cadres journalistes de l'Hexagone,  l'important n'est pas de "tricher" mais de savoir justifier son éventuel recours au mensonge. La passivité des étudiants de son cours de 2008, désormais installés dans la plupart des rédactions de la presse écrite et audiovisuelle, témoigne malheureusement de l'indulgence coupable de la corporation envers les siens. Que nul ne s'étonne alors de la défiance croissante de la population à l'encontre des médias traditionnels : plutôt qu'un symptôme inquiétant, elle traduit un sursaut salutaire de la conscience civique.

HH

One response to Pillage à Brétigny : le « scoop » du Point provient d’un journaliste-bidonneur

  1. On juillet 24th, 2013 at 00:56 , chaulet said...

    bon travail de contrôle du 4e pouvoir

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