Un richissime producteur d’Hollywood confesse avoir été un agent secret d’Israël
Quand la réalité dépasse la fiction. Arnon Milchan, acteur influent de la production cinématographique américaine depuis une trentaine d'années, reconnaît avoir été un marchand d'armes et un trafiquant de l'industrie nucléaire au service de l'Etat d'Israël.
Encore une théorie du complot qui s'avère finalement corroborée par les faits. Auparavant, il était de bon ton de brocarder quiconque émettait l'hypothèse d'une connexion secrète entre le monde de l'art et les services secrets. Alors que nous savons que la CIA a infiltré les milieux culturels européens pendant la guerre froide, il demeurait jusqu'alors plus délicat d'affirmer la même chose à propos de ses homologues israéliens sur le terrain artistique des deux côtés de l'Atlantique.
Ironie du sort, c'est la télévision israélienne qui confirme ce secret de polichinelle. Ce lundi soir, un programme d'investigation journalistique va diffuser l'enquête réalisée par la journaliste Ilana Dayan à propos du producteur Arnon Milchan. Cet Israélo-Monégasque a confessé, pour la première fois et face caméra, ce qui circulait à son sujet depuis des années : avoir militairement servi Israël à travers sa couverture professionnelle de producteur d'Hollywood.
En 2011, une biographie parue à New York avait déjà soutenu la thèse faisant de Milchan un agent secret déguisé en pygmalion du cinéma.
Un an auparavant, le magazine Forbes consacra un reportage vidéo à sa prestigieuse collection de tableaux valant des centaines de millions de dollars. Sans la moindre allusion à ses activités parallèles.
Peu connu du grand public mais familier des professionnels du cinéma américain et européen, on lui doit notamment les films suivants : Pretty Woman, Fight Club, Brazil, La valse des pantins de Martin Scorsese, Il était une fois en Amérique de Sergio Leone, Heat, L.A. Confidential, La Guerre des Rose, Mr & Mrs Smith et bien d'autres superproductions (sans oublier la série Sauvez Willy). C'est un site spécialisé, The Hollywood Reporter, qui révéla, vendredi dernier, la prochaine divulgation de cette information par la télévision israélienne. La journaliste de la chaîne Keshet expliqua au Hollywood Reporter avoir été "surprise" par l'acceptation de Milchan à témoigner sur un sujet qu'il a longtemps démenti : son implication dans le trafic d'armes et de secrets technologiques nucléaires au profit de Tel-Aviv.
L'homme âgé de 68 ans a été recruté, dès les années 60, par Shimon Peres (alors au ministère de la Défense, aujourd'hui président de l'Etat d'Israël) pour servir d'agent de liaison au sein du Lakam, le bureau de l'espionnage scientifique. En 1985, cette officine méconnue (en comparaison du Mossad) fut au coeur du scandale de l'affaire Jonathan Pollard, du nom de cet analyste américain du renseignement naval qui délivra des informations secret-défense aux espions israéliens.
En 1975, Milchan porta d'abord son intérêt sur la France en achetant, sur les conseils du publicitaire Jacques Séguela, 50% de Citeca Productions. Son premier film sera porté à l'écran par la présence de Lino Ventura. Les acteurs de l'industrie cinématographique hexagonale lui rendront hommage en 1996 à travers une soirée spéciale organisée par le Festival de Deauville. Une interview francophone de l'intéressé à cette occasion est visible sur le site de l'INA.
Trente ans auparavant, en 1967, Milchan se rendait au Salon de l'Air de Paris pour entamer une fructueuse relation d'affaires parallèle avec Raytheon, sous-traitant de l'armée américaine. Comme le développe l'historien Yvonnick Denoël dans son livre Les Guerres secrètes du Mossad, paru en 2012, "Milchan devenait le banquier occulte des grosses opérations secrètes du renseignement israélien à l'étranger : non seulement celles du Lakam mais aussi parfois celles du Mossad". En 1965, le jeune Arnon venait de reprendre la direction d'une entreprise de fertilisants à la suite de la mort de son père. C'est alors qu'il découvrit que la petite compagnie familiale servait de couverture à une filière d'import-export en armement. Moshe Dayan, alors ministre de la Défense, et son adjoint Shimon Peres devinrent rapidement ses parrains et tuteurs en la matière.
Dans le documentaire diffusé ce soir, Milchan raconte avoir été "fier" de servir son pays et regrette d'avoir eu à nier ses activités auprès de ses collègues d'Hollywood. Outre Ben Affleck (réalisateur du film anti-iranien Argo qui fut interrogé pour l'émission en raison de sa proximité avec Milchan), l'un d'entre eux est devenu son ami : Robert de Niro apparaît également dans l'enquête de Dayan et explique avoir été, quant à lui, informé de la double vie du producteur.
Comme l'avait récemment révélé Panamza, c'est également cet acteur, aujourd'hui à l'affiche du film Malavita de Luc Besson, qui affirma à Tel-Aviv "respecter l'agressivité nécessaire des Israéliens".
L'Administration Reagan connaissaît les activités illicites de Milchan, réalisées depuis le sol américain, mais avait choisi d'abandonner toute poursuite judiciaire à son encontre.
Un autre aspect de la double vie de Milchan ne sera probablement pas abordé par le documentaire prévu ce soir : son implication dans la propagande israélienne relative aux attentats du 11 septembre 2001 et effectuée en amont comme en aval.
Voici ce que rapportait, dès février 2013, l'auteur de ces lignes, dans son ouvrage Israël et le 11-Septembre: le grand tabou, à son propos.
En mars 2001, la chaîne Fox avait diffusé le premier épisode d’une série intitulée The Lone Gunmen. Une séquence de cet épisode, rédigé par le scénariste Frank Spotnitz et tourné au printemps 2000, illustre l’arrivée d’un avion commercial contre une tour du World Trade Center, piloté à distance par une faction désireuse de provoquer une guerre au Moyen-Orient.
Depuis 1998, la chaîne Fox avait conclu – pour renouveler ses fictions – un accord avec la compagnie New Regency Productions, dirigée par Arnon Milchan. Richissime producteur d’Hollywood (The Medusa Touch, Brazil, JFK, Fight Club), cet Israélo-Monégasque francophile et francophone, proche de Shimon Peres, est également un ancien trafiquant d’armes et un (ex ?) agent secret au service de la force nucléaire de l’État hébreu. De même que Rupert Murdoch, propriétaire ultra-sioniste du groupe Fox, et Ronald Lauder, responsable de la privatisation du World Trade Center, Arnon Milchan figure parmi les donateurs des campagnes électorales de Benyamin Netanyahu.
Pour l'anecdote : Milchan collabore également avec Lauder (par ailleurs mécène –décoré par François Hollande– des services secrets israéliens) en tant que co-actionnaire d'une chaîne de télévision basée à Tel-Aviv. L'autre homme présent dans le capital du média se nomme Yossi Meiman, un ancien du Mossad devenu président du groupe Merhav (spécialisé dans les pipelines et grand bénéficiaire de la guerre d'Afghanistan).
Enfin, le documentaire (qui révèle, par ailleurs, que le célèbre réalisateur Sydney Pollack a facilité l'armement souterrain d'Israël) ne devrait pas s'intéresser à la participation de Milchan dans la production d'un film hautement politisé dénommé JFK. Réalisé en 1992 par Oliver Stone, cette oeuvre cinématographique appuie la thèse d'une conspiration impliquant la CIA, le vice-président Lyndon Johnson, la mafia et les anticastristes dans l'assassinat de Kennedy. Chose amusante : le film, d'une durée de 3 heures, passe en revue tous les pays/groupes/individus ayant nourri de l'hostilité envers le président américain. Tous sauf un: l'ex-Premier ministre d'Israël, David Ben Gourion, qui s'opposa violemment au refus de Kennedy de consolider l'armement nucléaire du jeune Etat hébreu. Trente ans après son assassinat, un film coproduit par un agent secret israélien a donc fait en sorte de détourner l'attention du grand public sur l'animosité viscérale et méconnue des faucons d'Israël à l'encontre de JFK. Une simple coïncidence, probablement.
Hicham HAMZA
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