Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Pourquoi célébrer Israël à Paris ?, par Maurice Lévy

Le patron de Publicis préside les festivités pour le 60e anniversaire de l'Etat hébreu. Ses raisons.

Publié le 23 mai 2008 à 14h45, modifié le 23 mai 2008 à 14h45 Temps de Lecture 4 min.

C'est avant tout à cette question que je voulais répondre en acceptant la présidence de l'association qui se constituait à cet effet. Bien entendu la première réponse était "et pourquoi pas ?" Israël est un pays ami, né dans la souffrance, la douleur et les drames, sur sa terre d'origine et il est somme toute assez normal de manifester son amitié, comme on le fait pour un proche qui fête un événement heureux.

Mais cette première réponse me paraissait un peu courte. Elle ne répondait pas à ceux qui pourraient objecter que s'agissant d'un Etat souverain, avec ce statut particulier d'Etat hébreu et de la situation de non-paix, sinon de guerre, qui existe dans la région, c'était manifester un soutien à Israël qui pourrait paraître excessif à certains ; pas plus qu'elle ne répondait aux objections souvent malhabilement formulées sur le lien existant entre la population juive de France et l'Etat d'Israël.

Le vote de l'ONU puis les reconnaissances successives ont donné à Israël toute sa légitimité. Celle-ci fut contestée par ses voisins et de trop nombreuses guerres ont été nécessaires pour maintenir cet Etat en vie. Mais encore aujourd'hui certains chefs d'Etat osent parler de la destruction de l'Etat d'Israël. Soutenir Israël face à de telles menaces me paraît être une bonne raison de célébrer ce 60e anniversaire pour qu'il y en ait beaucoup d'autres, à l'infini.

Parler d'Israël, c'est parler aussi des Palestiniens, du drame qu'ils vivent et de la nécessité de leur donner à eux aussi le droit de vivre dans la dignité, la paix, le progrès et la prospérité. Encourager le dialogue, la paix, la reconnaissance des uns et des autres dans leur dignité et leur diversité me paraît aussi une bonne raison pour célébrer cet anniversaire et former des voeux de paix durable dans la région.

Israël est un Etat juif. Pourquoi les juifs de France célébreraient-ils cet anniversaire alors qu'ils sont français ? Ne serait-ce pas jeter le trouble, reparler encore de double allégeance ? Ne risque-t-on pas d'attirer encore l'attention sur les juifs et ajouter à l'ambiguïté du lien qui les unit à Israël ? Mes amis les plus proches, certains même dans ma famille, se sont posé et m'ont posé ces questions. Pourquoi ce lien émotionnel souvent très fort avec Israël, son peuple, sa terre ?

Il y a, bien sûr, la spiritualité, la culture juive traditionnelle qui ramènent les juifs à leurs ancêtres, à Abraham, Isaac, Moïse (qui n'a pas connu Israël) et aux récits bibliques et à l'histoire juive. Il y a aussi et peut-être surtout le fait que, pendant deux mille ans, les juifs ont passé leur vie à errer pour fuir les diverses formes d'antisémitisme depuis les expulsions, les pogroms, les massacres, jusqu'au crime absolu, l'inimaginable, qu'a constitué la Shoah. Pour les juifs errants, fuyants, le lien avec la terre d'Israël a été mythique (et pas seulement mystique). Je suis français, j'adore mon pays et je me bats pour son développement, pour la reconnaissance de ses valeurs auxquelles je suis attaché. Je suis fier de mon pays, même si parfois je m'impatiente ou regrette certaines actions. Et une part en moi aime Israël et son peuple courageux et je veux leur dire qu'on les aime, même si parfois on n'est pas d'accord sur tout.

Et s'il fallait une raison de plus de célébrer cet anniversaire, je la trouverais dans la nécessité de parler d'un autre Israël. Pas seulement celui de Tsahal ou de la terreur, ou des roquettes qui tombent sur Sderot ou Ashkelon. De cet Israël qui me subjugue par sa volonté de vie, son imagination, sa modernité.

L'EXPLOIT DE L'INTÉGRATION

Pour que l'on parle et découvre un Israël de la culture, des écrivains de talent à l'humour ravageur ou à l'âme tourmentée ; que l'on découvre un Israël de l'éducation qui a su transformer son système éducatif et se doter d'un des meilleurs enseignements au monde. De l'Israël de la recherche dans la médecine, dans la pharmacie, dans la technologie, dans l'agriculture ; que l'on sache que ce petit pays malgré les efforts de défense, a su réduire ses impôts, financer de grands programmes éducatifs et de recherche. Que l'on parle de cette "Silicon Valley" israélienne où la densité d'ingénieurs, de chercheurs est supérieure à celle de la Californie et qui sait générer de la croissance pour tout le pays ; que l'on découvre que le désert peut reculer grâce aux travaux de chercheurs obstinés, et tant et tant de choses réalisées dans ce pays qui ne peut pas se permettre de ne pas innover, de ne pas inventer, de ne pas progresser. Oui, c'est une bonne raison de fêter le 60e anniversaire de la naissance de l'Etat d'Israël.

Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences
Découvrir

Je ne serai jamais complet sur toutes les raisons, mais je veux souligner l'extraordinaire vitalité de sa démocratie, l'indépendance de ses médias et l'impertinence de ses journalistes. Pays de débat permanent qui veut que si l'on met deux Israéliens ensemble, on obtienne trois opinions. Mais le plus extraordinaire des exploits de la société israélienne restera pour moi celui de l'intégration : populations de la Méditerranée, d'Europe du Sud, d'Europe centrale, des pays du Golfe ou d'Afrique et encore d'Amérique ; exceptionnel melting-pot, avec ses trois éléments structurants : la langue que tous devront apprendre, l'armée qui supprime les différences et l'éducation qui offre sa chance à chacun.

Certes, tout n'est pas parfait, mais les progrès sont là tous les jours. Et, dans un monde qui se globalise, cette réalité d'une diversité qui a su s'intégrer est sans aucun doute une bonne raison de célébrer ici, à Paris, le 60e anniversaire de l'Etat d'Israël, d'offrir un message de paix et une invitation à lutter contre tous les racismes.


Maurice Lévy, PDG de Publicis

Le Monde

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.