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Commission de la défense nationale et des forces armées

Jeudi 19 septembre 2013

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 100

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Bernard Lévy, président de Thales, accompagné de M. Patrice Caine, directeur général, sur le projet de loi de programmation militaire 2

La séance est ouverte à onze heures.

Mme la Présidente Patricia Adam. Nous clôturons avec vous cette semaine d’auditions d’industriels de la défense, ouvertes à la presse.

M. Jean-Bernard Lévy, président de Thales. Je vous remercie de l’opportunité qui m’est offerte de présenter notre vision de la prochaine LPM et d’échanger avec vous.

Permettez-moi de commencer par une observation sur la préparation de notre avenir industriel dans le cadre géostratégique actuel.

Chacun sait ici le prix que l’industrie française a payé à la mondialisation. Nous avons vu disparaître, au cours des dix dernières années, des pans entiers de l’industrie nationale, pas seulement les emplois non-qualifiés, mais des filières technologiques entières, laminées dans la compétition internationale. Le secteur de la défense, de l’aéronautique et de l’espace, premier secteur exportateur de France, représente peut-être la dernière grande spécialisation française.

Si nous voulons que cette filière demeure une « locomotive », dépose des brevets, crée encore demain des emplois hautement qualifiés, il faut absolument lui donner les moyens de se développer, de préparer l’avenir, en un mot de se battre. La LPM est clairement l’un de ces moyens, peut-être le plus important. C’est une responsabilité collective de s’assurer que dans dix ans nous ne serons pas dépassés, là où aujourd’hui nous sommes leader européen, où nous comptons parmi les leaders mondiaux et sommes même parfois le leader mondial.

La position de Thales est aujourd’hui sans équivalent en Europe. Quel autre grand groupe peut se prévaloir d’avoir un prix Nobel dans ses murs, en l’occurrence le physicien Albert Fert ? Dans les radars, les sonars, les charges utiles de satellite, les radiocommunications et les grands systèmes de commandement, seuls les Américains font jeu égal avec nous.

Nous maîtrisons un ensemble de technologies uniques, qui nous permettent de servir l’autonomie et l’ambition stratégiques de la France.

Nous sommes d’abord au cœur de la dissuasion nucléaire. C’est Thales qui fabrique et garantit l’intégrité des systèmes de communication dont dépendent les plates-formes et les vecteurs des deux composantes de la dissuasion nucléaire, océanique et aéroportée. D’une façon plus générale, je crois qu’il n’y a pas de grand système d’armes ou de défense en service dans les armées qui ne soit littéralement « innervé » par des équipements, des logiciels ou des solutions provenant de Thales.

Nous sommes donc très conscients de nos responsabilités, et attentifs à l’évolution du contexte stratégique. Nous partageons l’analyse des menaces identifiées par le Livre blanc, en particulier la prise en compte de l’ampleur de la menace « cyber ». Nous sommes en accord avec les orientations de la LPM concernant les programmes prioritaires – la dissuasion, le renseignement, le renforcement de la cybersécurité, le spatial et les drones.

Ces priorités sont cohérentes avec nos propres priorités et sont au cœur de nos métiers : la sécurité des communications, les systèmes de commandement, les senseurs terrestres, navals, aéroportés et spatiaux – présents dans toutes les technologies, de l’optronique au radar.

Dans ce contexte, nos attentes sont liées aux réponses que le Gouvernement et la Représentation nationale, à travers la LPM et les lois de finances successives, seront en mesure d’apporter à trois grands enjeux.

Le premier enjeu, c’est bien sûr l’emploi et le maintien des savoir-faire technologiques : Thales en France, ce sont 35 000 hommes et femmes – sur 65 000 dans le monde, répartis sur 48 sites, en région parisienne, dans d’autres grandes agglomérations comme Bordeaux, Brest, Toulouse et Nice, ainsi que dans des villes comme Brive-la-Gaillarde, Laval, Vendôme, Cholet, Châtellerault, Valence, et j’en oublie.

Comme tous nos concurrents, nous sommes présents dans de nombreux pays et participons à la compétition mondiale. Mais la France reste le moteur du groupe. Les activités de défense y représentent 65 % du chiffre d’affaires de Thales. Nous faisons en France 60 % de la recherche et développement (R&D) du groupe, et 70 % de la recherche amont – que l’on appelle recherche et technologie, ou R&T.

Pour deux euros produits en France, un euro est exporté. Avec un effet positif supplémentaire sur les sous-traitants qui nous accompagnent à l’export.

Coopérant étroitement avec Thales, près de 4 000 petites et moyennes entreprises (PME) françaises forment en effet un réseau dense de fournisseurs ; notre sous-traitance industrielle représente 1,5 milliard d’euros par an, dont 75 % est réalisé dans notre pays. J’ai manifesté le soutien de Thales aux PME en signant en février, avec le ministre Jean-Yves Le Drian, la « charte PME » du ministère de la Défense.

Nous avons pleinement conscience de ce que le ministère de la Défense cherche à ne pas sacrifier l’effort de préparation de l’avenir, en essayant de maintenir les crédits destinés aux études amont à un montant proche de son niveau actuel, soit 730 millions d’euros par an.

Mais cela sera-t-il suffisant pour maintenir certaines compétences industrielles critiques déjà fragilisées, notamment par des retards dans les lancements de programme concernant les radars, les savoir-faire liés à la défense anti-missiles balistiques, l’observation spatiale et l’acoustique sous-marine ? Il y a lieu d’être préoccupé.

Deuxième sujet, sur lequel je crois que vous avez déjà entendu ces derniers jours nombre de commentaires : la continuité des programmes et la pérennité des ressources. Je joins la voix de Thales à cette expression publique.

La LPM garantit certes la poursuite ou le lancement des grands programmes déjà présents dans la LPM précédente, ce qui est en soit positif. Mais l’inquiétude réside dans le fait qu’aucune LPM n’a été intégralement respectée jusqu’ici.

Dans l’exécution, aurons-nous tous les crédits de paiement attendus ? Nous sommes préoccupés des pressions qui s’exercent chaque année pour revenir sur les engagements pris au plus haut niveau.

Nous devons prendre en compte trois risques supplémentaires : l’incertitude sur la réalisation des recettes exceptionnelles, pour lesquelles les prévisions ont été fixées à un niveau particulièrement élevé – 6,1 milliards d’euros – et les écueils budgétaires que sont les surcoûts liés aux opérations extérieures (OPEX) et les incertitudes quant à nos performances à l’export.

La pratique actuelle préoccupe déjà Thales : nous atteignons la fin 2013 avec une accumulation record de programmes en attente de notification : CONTACT, rénovation des Atlantique 2, pod de désignation laser de nouvelle génération (PDL-NG), RAFALE F3R, satellite CERES, radars (SCCOA 4). Avant même que la prochaine LPM ait commencé, nous courons déjà le risque de reports de charges de 2013 sur 2014 qui pèseront sur les capacités de financement en 2014, dès l’ouverture de l’exécution budgétaire.

Ceci m’amène à évoquer la situation sociale de l’entreprise : nous sommes déjà rentrés dans une période d’adaptation des effectifs.

La situation actuelle, où les commandes sont déjà très en deçà de nos attentes, pèse sur la charge de travail. Nous disposons depuis avril 2013 d’un instrument de dialogue social : un accord-cadre, signé avec les organisations syndicales, qui nous permet d’anticiper et de prévenir les sous-charges. Nous avons déjà commencé, avec les partenaires sociaux, à discuter des modalités des baisses d’effectifs sur certains sites.

L’export et le développement international sont le troisième enjeu, et plus qu’un enjeu, une priorité absolue dans la stratégie du groupe Thales.

Il faut aller chercher la croissance là où elle est : en Asie, au Moyen-Orient, en Amérique latine et en Afrique. Thales dispose déjà de références commerciales de premier plan. Les bonnes nouvelles récentes concernant l’export – au Brésil et aux Émirats arabes unis notamment, grâce au fort soutien du gouvernement français – ne doivent pas masquer la dureté de la concurrence. Le soutien de l’État et de la Représentation nationale nous est absolument indispensable. Les succès que je viens d’évoquer sont l’illustration de l’efficacité de « l’équipe de France export » ; je tiens ici à exprimer toute ma reconnaissance au Président de la République et au ministre de la Défense, qui ne ménagent pas leur peine pour nous apporter leur soutien, et à tous ceux d’entre vous qui sont amenés à jouer un rôle dans cette grande bataille de l’export.

Soyons clairs sur les inquiétudes que peuvent susciter les transferts de technologies : c’est un faux dilemme. Les partenariats locaux sont aujourd’hui une condition nécessaire du succès. En établissant ces coopérations, avec toute la prudence nécessaire, nous servons l’emploi en France. Un contrat d’export majeur peut représenter plusieurs milliers d’emplois sur plusieurs années dans notre pays, pour Thales et ses sous-traitants.

Sur la période de la LPM, certains contrats, s’ils se matérialisent, auront pour notre groupe une dimension structurante. Nous faisons partie de l’équipe Rafale en Inde, fédérée par Dassault Aviation, qui conduit les discussions pour répondre au mieux aux attentes du client indien. Nous sommes confiants.

Je souhaite évoquer pour terminer quelques programmes qui revêtent une importance de premier plan pour nous, compte tenu des enjeux évoqués plus haut – emploi, savoir-faire technologique, export.

En ce qui concerne les capacités aériennes et aéroportées, le nouveau standard de Rafale (dit « Rafale F3R ») représente un saut qualitatif pour l’avion, et chacun mesure bien l’importance de cette évolution pour son potentiel d’exportation. Cela permettra aussi d’amorcer la préparation du futur système de combat aérien (démonstrateur F-CAS). À partir de fin 2018, il existe cependant un risque d’interruption de la production si les perspectives d’exportation ne se concrétisent pas. Nous entrerions alors dans une période de grande incertitude pour toute la filière Rafale.

Ensuite, le lancement du programme de rénovation de l’Atlantique 2 (ATL2) est attendu depuis plusieurs mois. C’est un projet très important pour la préservation des compétences en matière de radars, de lutte anti sous-marine et d’acoustique, et pour la préparation des nouvelles générations de capteurs essentiels à notre compétitivité export.

Enfin, nous sommes prêts à lancer les travaux sur la première tranche du programme, attendue cette année, du pod de désignation laser de nouvelle génération (PDL-NG). Il procurera à la France une avance technologique dans le domaine de l’optronique aéroportée et un outil de grande précision au service de l’armée de l’air, désormais indispensable dans le contexte des opérations présentes et futures.

Concernant la politique française en matière de drones, Thales propose aujourd’hui, avec la filière Watchkeeper, une solution de drone tactique, dont l’entrée en service est imminente chez nos alliés britanniques. C’est un exemple qui permettrait dans des délais rapides à la France de se doter d’une réponse pragmatique et européenne, à un besoin vérifié dans toutes les opérations récentes. Français et Britanniques pourraient bénéficier de la mise en commun de la doctrine, de la formation et du soutien, partager les coûts d’évolution, tout en conservant la possibilité d’un emploi opérationnel autonome. Ce serait un vrai coup d’accélérateur à la force expéditionnaire franco-britannique conjointe prévue par les accords de Lancaster House.

Ce système nous paraît parfaitement adapté aux besoins de l’armée de terre pour un coût correspondant aux hypothèses budgétaires de la LPM. Il sera en outre bientôt le seul drone européen certifié pour l’insertion dans un trafic aérien civil dense. Watchkeeper n’a pas la prétention de tout faire en matière de drone mais a le mérite d’être disponible, facteur d’économies, issu d’une chaîne d’approvisionnement européenne, et sous le contrôle exclusif de nos forces, ce qui représente quatre atouts importants.

Sur la question du drone de moyenne altitude et de longue endurance (MALE), nous sommes prêts à faire des propositions sur le système transitoire – je veux parler de la « francisation » du Reaper – et, à terme, sur un système européen, si une décision est prise dans ce sens. Sur les deux enjeux-clé que sont, d’une part, les charges utiles, et d’autre part, la question de l’insertion dans le trafic aérien, nous disposons de solutions qui ont vocation à faire partie de l’offre française et européenne.

Enfin, nous préparons déjà, à l’horizon de la fin de la décennie, les travaux de développement du futur système de combat aérien.

En matière de détection, de Command and control (C2) et de défense aérienne, après les décisions de report prises en 2010, il est aujourd’hui urgent de renouveler la gamme de radars de contrôle aérien sur lesquels repose le pilier détection du système de commandement des opérations aériennes. Une première acquisition urgente de six radars fixes et de quatre radars tactiques est attendue. Pour assurer une couverture optimale, six autres radars fixes devraient suivre en 2015.

Permettez-moi de souligner l’enjeu du maintien des compétences pour Thales dans le domaine du radar multi-fonctions et multi-missions. C’est particulièrement vrai dans le domaine naval, où nous proposons le radar multifonctions à panneaux fixes SF500 pour les frégates de défense antiaérienne. Il est très difficile aujourd’hui de proposer des frégates à l’exportation sans mise à niveau préalable des systèmes électroniques, dont certains, pour la conception, remontent à plus d’une décennie.

J’en viens à la défense aérienne et anti-missile de moyenne portée. Très peu de pays maîtrisent ces technologies. Thales est l’architecte du système d’arme et un acteur-clé de la filière missile. Pour préserver cette capacité et l’adapter au contexte stratégique, nous nous préparons aujourd’hui au lancement prévu d’ici mi-2014 d’un nouveau programme en coopération, comprenant le missile B1NT, dont l’objectif sera d’augmenter les capacités opérationnelles anti-balistiques des systèmes terrestre et naval. Il manque cependant encore au système un radar associé de veille et de surveillance de l’espace aérien pour être efficace sur la partie antimissile balistique. Thales propose le GS 1000, dont le besoin pour la France est vital, et la demande de certains de nos alliés déjà manifeste.

J’en viens maintenant à l’espace. En tant que principal maître d’œuvre des satellites d’observation, de renseignement d’origine électromagnétique et de télécommunications militaires, nous sommes parfaitement en ligne avec l’analyse et les programmes prévus par la LPM. Pour le système de renseignement spatial CERES comme pour le système de télécommunications spatiales COMSAT de nouvelle génération (NG), nous sommes prêts à répondre au besoin de continuité de service. S’agissant de COMSAT-NG, je souhaite souligner qu’il y a sur ce programme à la fois un enjeu de coopération (avec l’Italie) et un fort enjeu export, compte tenu de l’accroissement des besoins alliés et mondiaux. Les récents succès de Thales à l’export, aux Emirats arabes unis, montrent l’importance de cette filière.

Enfin, en matière de radiocommunications, le programme CONTACT, lancé mi-2012, sera le centre nerveux et le support technologique de la numérisation du champ de bataille. Il assurera une avance technologique sur la radio logicielle qui permettra à Thales de maintenir sa place de leader européen dans le domaine des radiocommunications tactiques, avec un fort potentiel d’exportation – près de 40 pays. Après la première tranche lancée mi-2012, la nouvelle tranche du programme CONTACT est attendue sans délai pour conserver nos parts de marché.

Pour finir, je mesure bien la difficulté qui est la vôtre, et celle du Gouvernement, pour trouver le bon point d’équilibre.

Il y a d’un côté la réponse aux défis d’aujourd’hui – les opérations, les incertitudes du contexte stratégique, une pression budgétaire sans précédent – et de l’autre, les contraintes de l’industrie – la compétition mondiale, la longueur des cycles d’investissement, la fragilité des compétences, les risques technologiques. Il est difficile de les faire converger.

Je crois que le dialogue que nous avons noué avec l’Etat et la Représentation nationale, autour de la conduite des grands programmes et de notre développement international, nous aide à avancer vers les bonnes solutions. Cette coopération est essentielle à la poursuite du développement du groupe dont j’assume la direction. Notre stratégie d’entreprise nous amène à capitaliser sur la confiance de notre grand client français et à compléter l’amortissement des lourds investissements nécessaires par la croissance des exportations.

M. Yves Fromion. Thales s’est toujours honorée d’être une entreprise multidomestique. Je ne sais si, aujourd’hui encore, ce quasi-dogme également mis en avant par vos prédécesseurs est toujours d’actualité. Si tel est le cas, comment s’exprime-t-il dans le paysage européen sachant que les difficultés budgétaires ne sont pas l’apanage de la France ? Quels sont, parmi ceux que vous avez énumérés, les programmes qui portent cette caractéristique de multidomesticité ? Certains programmes sont-ils vulnérables du fait des décisions françaises, ou ces éventuelles difficultés peuvent-elles être compensées par les commandes attendues d’autres pays européens ?

M. Jean-Bernard Lévy. Je vais vous répondre sous deux aspects. Il est indéniable que Thales est une entreprise multidomestique. La France représente environ la moitié des forces vives de la société en matière d’emploi, 25 % du chiffre d’affaires – davantage sur le chiffre d’affaires militaire, un peu moins sur le chiffre d’affaires civil. En outre, 25 % du chiffre d’affaires est exporté à partir de la France : comme je l’indiquais, pour un euro vendu en France, nous enregistrons un euro exporté.

Nous avons une présence significative dans plusieurs de nos pays voisins, les plus importants étant le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas. Dans ces quatre pays – auxquels je pourrais ajouter l’Australie –, nous disposons de compétences que nous n’avons pas en France. Nous nous sommes donc organisés de manière multidomestique afin d’atteindre un niveau de compétitivité et de développement technologique en misant sur les atouts d’un groupe établi de façon importante en dehors de la France. Le cœur de nos activités et la plupart de nos compétences sont en France, mais certaines se trouvent à l’étranger. Cela signifie, pour répondre à votre deuxième question, que certains de nos programmes ont dès leur conception une dimension qui va au-delà de la France, car nous utilisons différentes compétences pour les mener à bien et répartissons en conséquence l’organisation du développement technologique. Dans un certain nombre de programmes que j’ai cités, notamment dans le domaine spatial, nous utilisons des compétences internationales. Ainsi nous travaillons de façon très structurelle dans une entreprise franco-italienne, Thales Alenia Space, qui dispose de moyens industriels répartis majoritairement en France mais également de façon importante en Italie, ainsi qu’en Espagne et en Belgique. Nos programmes en matière spatiale font donc appel à cette entreprise détenue à 65 % par Thales et dont l’activité est réalisée dans les mêmes proportions en France, mais qui bénéficie également des programmes spatiaux italiens en matière de télécommunications, de radars, et d’applications spatiales civiles.

La plupart des programmes que j’ai cités seront pilotés en France, avec l’essentiel du développement dans notre pays, mais pour certains d’entre eux – en particulier dans le domaine spatial – nous bénéficions de synergies qui nous permettent d’être compétitifs.

M. Jean-François Lamour. Vous avez à juste titre évoqué les ressources exceptionnelles qui viendront compléter les ressources budgétaires classiques sur la période couverte par la LPM. Elles ne sont pas négligeables puisqu’elles représentent environ 1,7 milliard d’euros par an. Parmi les vecteurs d’abondement de ces ressources on trouve le programme d’investissements d’avenir. Louis Gallois a présenté ce plan devant la commission des Finances il y a quelques semaines et votre entreprise y apparaît à deux reprises : concernant un institut d’excellence à Toulouse, et dans le cadre du projet Génome. Quels moyens supplémentaires avez-vous retiré grâce à ces deux programmes ? Avez-vous déjà travaillé, avec la direction générale de l’armement (DGA), le ministère de la Défense ou M. Gallois directement, à la programmation d’autres ressources de ce type dans le cadre de la future LPM ? On peut en effet imaginer qu’en recherche amont voire en R&D, vous pourriez bénéficier d’un certain nombre de moyens supplémentaires.

M. Jean-Bernard Lévy. Nous sommes effectivement actifs sur plusieurs programmes d’investissement d’avenir. Certains ont déjà été lancés – je pense notamment à l’avion du futur, à l’avionique, à la filière aéronautique dans son ensemble. Vous savez que nous sommes, avec deux groupes américains, l’un des trois principaux acteurs mondiaux dans le domaine de l’avionique, c’est-à-dire les calculateurs embarqués. Les travaux dans ce secteur ont des applications aussi bien civiles que militaires, et Thales gère et organise ses développements en pensant en permanence à la filière dans son ensemble. Il s’agit du principal domaine sur lequel les programmes d’investissement d’avenir ont concerné Thales jusqu’à présent.

Quant aux programmes à venir, nous sommes intéressés par plusieurs des 34 projets sectoriels annoncés à l’Élysée la semaine dernière. Il s’agit en premier lieu de la poursuite de tout ce qui a trait à l’aéronautique. Deuxième domaine : l’espace, avec notamment la propulsion électrique qui est un domaine très important pour nous, face à des concurrents américains qui ont pris un peu d’avance en la matière. Il faut savoir que cette technologie, une fois qu’elle sera parfaitement développée, pourra produire une véritable révolution dans le coût d’accès à l’espace : en effet, lorsqu’on lance un satellite grâce à une fusée Ariane, la moitié du poids est constituée par la charge de kérosène pour passer de l’orbite intermédiaire – où la fusée va laisser le satellite – à l’orbite géostationnaire, ce qui nécessite une poussée supplémentaire apportée par le satellite lui-même. La propulsion électrique permet de réduire de façon considérable la charge qu’emporte le satellite pour aller jusqu’à l’orbite définitive. Nous nous réjouissons donc que ce domaine ait été retenu.

Le troisième domaine qui concerne Thales est la cybersécurité, qui fait l’objet de l’un des programmes annoncés la semaine dernière, et dont le pilotage, par exception, n’est pas industriel. Thales aurait d’ailleurs préféré être plus directement impliqué, au lieu de l’être via l’agence française de cybersécurité. Nous attendons effectivement des financements incitatifs, dont le montant est mal connu à ce stade, mais qui pourraient nous permettre hors LPM d’être davantage présents dans cette filière aux applications duales qui servent à protéger directement ou indirectement les intérêts de l’État, au travers notamment de la protection des opérateurs d’importance vitale dont certains sont des entreprises privées.

Tels sont les trois domaines qui intéressent principalement Thales même si, en tant que groupe aux technologies multiples, nous pourrons être présents dans d’autres projets d’investissement d’avenir.

M. Nicolas Bays. Vous nous avez indiqué que Thales était leader dans de nombreux domaines – l’espace, les sonars, les radars – ce dont la Représentation nationale se félicite. Vous avez également souligné que les dix années à venir seraient décisives pour conserver le leadership dans ces domaines. Quelles sont vos craintes particulières à ce sujet ? Vous avez évoqué la concurrence américaine, mais pensez-vous que d’autres pays pourraient investir ces champs ?

Par ailleurs, Thales est un partenaire essentiel dans le programme FREMM (frégates multi-missions), bateau conçu pour répondre aux besoins des marines française et italienne et qui n’a malheureusement pas trouvé de marché significatif à l’export, ce qui a pesé sur la rentabilité et le succès de cette filière. Pensez-vous qu’un format de frégate de taille intermédiaire devrait être développé pour obtenir un produit plus adapté à l’exportation ?

Enfin, estimez-vous que la LPM est ambitieuse en matière de drones ?

M. Jean-Bernard Lévy. Sur les menaces et l’émergence de nouveaux pays dans le paysage industriel, il est indiscutable que la concurrence américaine est très vive. Certains estiment que la réduction des budgets militaires américains va renforcer la concurrence américaine. Je ne partage pas cet avis. Malheureusement, si on regarde les chiffres d’affaires des industries d’armement à l’exportation ces dernières années, on constate que nous avons perdu des parts de marché. Partant d’un étiage assez bas, nous devons être ambitieux et ne pas nous contenter de maintenir les résultats actuels et de simplement résister à une compétition plus âpre. Nous devons faire beaucoup mieux que la moyenne des trois dernières années, qui n’est pas très bonne.

Pour ce faire, la mobilisation autour des exportations doit être sans faille et s’accompagner d’une meilleure prise en compte des demandes locales de transfert de technologie ou, dans certains cas, d’un assouplissement des contraintes en matière de performance. Pour prendre l’exemple récent du déploiement d’un système d’observation spatiale aux Émirats arabes unis annoncé par le cheikh Mohamed et le ministre Le Drian il y a deux mois environ, on voit bien que c’est la prise en compte d’autres aspects que la simple fourniture de matériels qui a permis à « l’équipe de France » de gagner face à une concurrence américaine très vive. En janvier 2013, lors du voyage du Président de la République accompagné d’une délégation d’industriels, nous avions l’impression que l’affaire était perdue. En juillet 2013, elle était gagnée car nous avons mieux compris les besoins du client, les transferts de technologie, les contraintes opérationnelles, etc.

Le message que je souhaiterais faire passer est le suivant : face à une telle présence anglo-saxonne, nous devons en examiner tous les aspects, et nous organiser pour y faire face.

Nous constatons en effet que de nouveaux pays acquièrent une certaine crédibilité sur une partie de la gamme. La France a la chance – mais c’est aussi la récompense des investissements du passé – d’être présente sur la quasi-totalité des produits et des services dont les forces armées ont besoin dans le monde. Dans certains domaines, nous sommes attaqués « par le bas » par de nouveaux pays qui, sur les performances les plus sophistiquées et les produits les plus exceptionnels, ne seraient pas capables de satisfaire le client, mais qui sont capables de répondre à ses besoins courants. Je pense notamment à des pays asiatiques tels Singapour, avec le grand groupe Singapore Technology, ou la Corée, mais également à la Turquie ou encore au Brésil.

Sur les FREMM, je partage votre point de vue. Telle qu’elle a été conçue, elle peine à trouver un marché à l’exportation. Il s’agit d’un bateau remarquable, très complet, mais nous devons nous interroger : peut-être correspond-t-il à un créneau un peu étroit du marché. Il faut peut-être s’adapter aux besoins des forces navales dans le monde. Nous serions assez favorables au développement d’une frégate de taille intermédiaire pour la marine nationale qui répondrait mieux aux besoins et aux budgets d’un certain nombre de nos clients potentiels et serait équipée des systèmes électroniques les plus développés – notamment le radar SF 500. Une telle frégate pourrait rencontrer un véritable succès en Europe mais aussi dans le reste du monde. Il serait peut-être utile que la marine française commande des frégates intermédiaires en complément des FREMM, afin de qualifier le produit et d’avoir de meilleures chances à l’exportation qu’avec la FREMM dont les résultats sont décevants.

La LPM est-elle suffisamment ambitieuse en matière de drones ? J’aurais du mal à vous répondre positivement. À ce stade nous avons nous-mêmes quelque difficulté à comprendre où nous allons. Nous espérons que dans le système de drones tactiques, très rapidement disponible et qui donne à la France une autonomie totale en matière d’emploi opérationnel pour un coût modéré, le système Watchkeeper développé par Thales en Angleterre sera bientôt commandé. Je crois que le ministre de la Défense a fait des déclarations très positives dans ce sens. Nous espérons que, au-delà de l’achat de quelques drones d’origine américaine, va se produire dans les mois à venir une reprise en main de la filière de drones MALE. Celle-ci ne doit pas se limiter à la France mais être étendue à nos principaux partenaires européens afin qu’un programme européen se dessine, cofinancé, permettant de lancer une véritable filière industrielle européenne dans ce domaine et qui nous permettra de disposer d’un produit efficace pour nos propres besoins, complètement sous notre maîtrise, et exportable.

Je ne suis pas sûr – et beaucoup ici doivent partager cette opinion – que ce projet soit en train de voir le jour. Peut-être faudrait-il mettre les bouchées doubles afin que le Conseil européen de décembre – qui, pour la première fois depuis cinq ans, va traiter de questions de défense –, soit l’occasion de lancer ce programme de drones MALE. En effet, aujourd’hui, les pays européens achètent les uns après les autres les mêmes drones américains dans une filière qui ne produit pas de retour pour eux en matière industrielle et de souveraineté. Ce sujet est un peu étranger à la LPM, mais je souhaiterais que l’on puisse trouver le financement et surtout l’opportunité européenne de lancer un tel programme.

Enfin concernant les drones de combat, je crois que la LPM prévoit des travaux préparatoires assez significatifs à ce sujet, dans un cadre franco-britannique. J’espère que les deux gouvernements arriveront à s’accorder dans les mois à venir sur un tel programme. À cet égard, je souhaiterais vous faire part d’une information nouvelle : Thales a trouvé le cadre de travail qui nous permettrait de coopérer avec nos concurrents britanniques sur les aspects électroniques de façon à répondre à une demande d’organisation industrielle en matière de drones de combat si nos deux gouvernements devaient lancer ce programme. Le cadre industriel en matière d’électronique embarquée fait l’objet de discussions très avancées entre Thales et les principaux acteurs britanniques concernés.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous attendons tous les conclusions du Conseil européen du mois de décembre consacré aux questions de défense. En effet, depuis l’adoption de la stratégie européenne de sécurité il y a plus de dix ans à l’initiative de M. Javier Solana, l’Europe de la défense n’a pas connu de grandes avancées.

M. Philippe Folliot. Votre groupe s’est développé à l’échelle internationale, mais des rapprochements sont-ils possibles entre les industries européennes, notamment françaises, pour exploiter des synergies et créer de véritables champions européens ? Je pense notamment aux synergies qui peuvent exister avec Safran et Sagem en matière d’optronique.

Par ailleurs, le projet de loi de programmation militaire prévoit six milliards d’euros de recettes exceptionnelles, provenant pour partie de la cession de participations de l’État dans certains groupes industriels. Or, Thales est détenu pour plus de 26 % par l’État : votre stratégie de développement intègre-t-elle l’hypothèse d’un désengagement de ce dernier, et un autre actionnaire de référence est-il envisagé ? De même, Thales détient 35 % du groupe DCNS, le reste appartenant à l’État : si l’État se désengageait de DCNS, votre groupe envisagerait-il de monter en puissance au capital de DCNS ?

M. Jean-Bernard Lévy. Si des synergies entre industriels sont à exploiter, c’est avant tout entre industriels français. Pour ce qui est de Safran, Thales n’est en concurrence avec cette entreprise que pour une part très limitée de son activité, via Sagem. D’ailleurs, si 50 % de l’activité de Thales est en lien avec la défense, ce n’est le cas que pour 10 % de celle de Safran. Les zones de recouvrement dans nos activités sont donc très limitées.

Si les discussions que nous avons menées avec Safran n’ont pas permis d’aboutir à un partenariat fort dans le domaine de l’optronique, nous n’en sommes pas moins associés dans des programmes d’études amont, notamment en matière d’infrarouge : il s’agit d’investissements lourds pour lesquels nous avons créé une filiale commune, qui coopère avec le secteur public. Ainsi, en matière de recherche technologique, nous évitons déjà les redondances. La situation est donc assez satisfaisante pour ne pas rendre indispensable un rapprochement plus étroit avec Safran.

S’agissant des participations de l’État dans les groupes de défense, il s’agit à la fois de savoir quelles sont les intentions de l’État et quelles sont celles de Thales en fonction des décisions que prendra l’État. Sur le premier point, je ne peux faire aucun commentaire, si ce n’est pour rappeler qu’il est lié avec Dassault par un pacte d’actionnaires qui nous offre un cadre de travail n’appelant pas, à mon sens, de modification.

Sur le second point, compte tenu de l’importance qu’a DCNS tant comme partenaire industriel que comme client, notre groupe étudiera l’hypothèse de reprendre la participation de l’État si celui-ci envisage de céder 15 % ou plus du capital de DCNS. Il faut d’ailleurs rappeler l’histoire de DCNS : il s’agissait à l’origine de services de l’État, qui ont été transformés en société privée détenue à 100 % par l’État, avant que celui-ci ne nous cède 35 % de ses parts. En revanche, si l’État devait céder tout ou partie de sa participation dans Nexter, la question serait ouverte de savoir s’il est vraiment pertinent d’adosser Nexter à Thales, alors que nous n’avons que très peu d’activité en matière de véhicules, et aucune participation aujourd’hui au capital de Nexter.

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Pouvez-vous nous indiquer quel a été l’impact, sur votre activité et vos effectifs, des reports de commandes intervenues au cours de la période de programmation 2009–2014 ? Les exportations ont-elles compensé la perte d’activité qui en a résulté ?

S’agissant par ailleurs de vos axes de recherche, un véritable besoin existe en matière de cryptologie militaire : cherchez-vous à y répondre ?

M. Jean-Bernard Lévy. Concernant l’emploi, la situation était relativement satisfaisante en début d’année, mais elle s’est dégradée au fur et à mesure des retards pris dans la notification des projets du ministère de la Défense. Nous sommes en discussion avec les syndicats pour trouver les moyens de gérer cette baisse d’activité.

Les exportations peuvent permettre de compenser les baisses des commandes de l’État, mais nous n’avons pas encore intégré à nos prévisions la vente du Rafale à l’Inde.

En tout état de cause, nous nous sommes fixé plusieurs principes dans la gestion des changements à venir. D’abord, organiser en priorité la mobilité au sein du groupe et développer les formations susceptibles de qualifier des personnels pour de nouvelles missions. Il s’agit notamment de faire bénéficier nos personnels du relais de croissance que constitue pour nous l’activité d’Airbus, ainsi que la bonne tenue de notre domaine optronique. Toutefois, même si nous avons eu de bonnes nouvelles récemment en matière spatiale, les perspectives globales de charge de travail ne laissent pas présager qu’il sera possible de maintenir notre volume d’emploi total : même en comptant sur les exportations, il nous faudra procéder à des réductions d’effectifs, limitées et contrôlées. Nous avons d’ailleurs conclu une charte avec nos sous-traitants pour piloter de façon cohérente ces opérations.

M. Patrice Caine, directeur général de Thales. Concernant la cryptographie, nous considérons que cette filière est déjà rationalisée sur le marché français : ce n’est plus la consolidation de la filière qui est à l’ordre du jour, mais les façons d’éviter que de nouvelles divergences et de nouvelles duplications d’activités n’apparaissent. Cette filière doit être soutenue dans la durée : tel est l’objet du programme CONTACT.

Reste aussi à construire et à consolider une filière industrielle en matière de cybersécurité. Le projet de loi de programmation militaire tend à instituer un cadre juridique adapté. Les organismes identifiés comme des opérateurs d’importance vitale doivent se protéger : Thales le fait, et Thales peut aider d’autres opérateurs d’importance vitale à acquérir eux aussi le statut d’« acteurs de confiance ».

M. Christophe Guilloteau. Comme mon collègue Philippe Folliot, je mesure ce que représente votre entreprise en France et dans le monde : 65 000 emplois, c’est assez exceptionnel. On a pu relever dans le cadre de la mission Serval au Mali ce qu’avaient été les performances de votre entreprise en matière de renseignement. Vous regrettiez que le projet de LPM ne mette pas assez l’accent sur la rénovation de l’Atlantique 2, mais ce qui a été réalisé me semble déjà important. J’ai senti dans vos propos un certain regret concernant la posture française vis-à-vis des drones, mais je voudrais parler aussi de la cyberdéfense. Comme vous le savez, dans ce projet de loi, peu d’articles concernent purement et simplement la défense : sur 36 il n’y en a que quatre. Cependant, une grande partie est consacrée à la cyberdéfense, suivant les orientations définies par le Livre blanc. Comment envisagez-vous la répartition de l’effort entre le public et le privé dans ce domaine ?

Mme Patricia Adam. Avant de laisser la parole à M. le Président Lévy, je souhaiterais apporter une précision à ce sujet.

Ce qui est important dans une LPM, ce sont aussi les annexes, et non pas seulement les articles. Il est vrai que dans ce projet de LPM on trouve un grand nombre d’articles normatifs, et il est normal de les examiner, mais il faut également considérer ses annexes.

M. Jean-Bernard Lévy. En matière de cybersécurité, Thales a déjà une compétence indiscutable, et nous travaillons beaucoup avec l’État ; nous avons environ 1 500 ingénieurs en cybersécurité, et nous travaillons aussi bien en France que dans de nombreux autres pays. D’ailleurs, il est fréquent que nos experts soient appelés aux États-Unis pour identifier les menaces ; nous avons des solutions de surveillance, d’analyse et de réaction qui sont utilisées dans plus de 25 pays au total, par les États eux-mêmes mais aussi par exemple par leurs systèmes bancaires, soucieux de sécuriser les transactions. La cybersécurité présente donc à la fois des enjeux de protection du territoire et de protection des entreprises.

La LPM et ses décrets d’application, auxquels les industriels seront certainement largement associés, vont imposer aux opérateurs d’importance vitale de se protéger ; Thales souhaiterait être associé à la façon dont seront définies ces obligations par les agences nationales.

Le groupe Thales est également attentif aux moyens qui seront consacrés aux investissements d’avenir. Une somme globale a été annoncée par le Président de la République il y a une semaine ; Thales souhaite faire partie des acteurs industriels de référence dans le domaine de la cyberdéfense, domaine marqué par une concurrence vive et des perspectives d’exportation, pour lequel il faut structurer une véritable filière française. Il est important de prendre rapidement conscience de ces enjeux.

M. Philippe Meunier. En tant que chef d’entreprise responsable, vous avez commencé votre audition en nous indiquant que vous étiez dans l’obligation de « réduire la voilure » en matière d’effectifs, compte tenu du retard pris sur un certain nombre de projets et de commandes publiques.

J’aimerais savoir quelle est la part de la réduction d’effectifs que l’on doit associer à la LPM précédente – la réduction d’effectifs est-elle uniquement due aux conséquences de l’exécution de la LPM précédente, ou avez-vous eu par ailleurs d’autres projets de commandes qui n’ont finalement pas abouti ? –, et si la future LPM va permettre d’inverser cette tendance ou non.

M. Jean-Bernard Lévy. Je vais faire une double réponse.

Les LPM fixent des grands programmes et des grands enjeux ; elles ne tracent pas la trajectoire des différentes commandes avec des montants et des spécifications détaillées mois par mois ou trimestre par trimestre, puisque ceci relève de la compétence du ministère de la Défense après discussion avec l’État-major des armées, la DGA et les industriels.

Je dirais simplement qu’aujourd’hui le retard dans la notification des programmes est indiscutable. Cependant, je ne souhaite pas rentrer dans le débat de savoir si ces retards sont dus à une LPM ou une autre alors que nous sommes à la charnière entre deux lois. Je dirais simplement que la pression budgétaire qui s’accumule sur les finances de l’État depuis la crise de 2008 a pour effet de ralentir des notifications de programmes, avec les conséquences dont je vous ai parlé sur la charge de travail et sur le fait que malgré tous les mécanismes de solidarité, nous nous attendons à une érosion contrôlée de nos effectifs en France.

La séance est levée à douze heures vingt.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Patricia Adam, M. Nicolas Bays, M. Philippe Folliot, M. Yves Fromion, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Christophe Guilloteau, M. Frédéric Lefebvre, M. Philippe Meunier, Mme Sylvie Pichot, M. Joaquim Pueyo

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. François André, M. Claude Bartolone, M. Sylvain Berrios, M. Daniel Boisserie, M. Philippe Briand, M. Jean-Jacques Candelier, M. Guy Delcourt, M. Éric Jalton, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Bruno Le Roux, M. Alain Marleix, M. Damien Meslot, Mme Émilienne Poumirol, Mme Marie Récalde, M. François de Rugy

Assistait également à la réunion. - M. Jean-François Lamour