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Qui est Hoaxbuster, le site qui démonte les rumeurs ?

Rencontre avec le fondateur et les équipes du site qui, bénévolement et depuis quinze ans, s'attachent à démêler le vrai du faux sur Internet.

Par  et  (Directeur du "Monde")

Publié le 29 mars 2014 à 11h37, modifié le 31 mars 2014 à 00h14

Temps de Lecture 4 min.

La page d'accueill de Hoaxbuster.

Un jour de la fin des années 1990, Guillaume Brossard en a eu assez que ses collègues de bureau croient ce qu'ils lisaient et pas ce qu'il leur disait. Dans leurs boîtes e-mails, alors le grand outil d'échange de cette lointaine époque d'avant les réseaux sociaux, venait d'arriver le énième canular laissant croire que Microsoft allait sauver un petit enfant malade si tout le monde voulait bien faire suivre ce message. 

« Je n'arrêtais pas de leur répéter : “Arrêtez de transférer n'importe quoi”, se souvient-il. Sans effet. Je me suis dit que s'ils ne croyaient pas les démentis à l'oral, à la machine à café, peut-être croiraient-ils les écrits, dans leur boîte e-mail. » A l'époque, un terme vient d'apparaître pour désigner ces intox en ligne, qui ont commencé par des alertes au faux virus informatique : hoax (« canular »).

Avec deux copains de lycée de Poitiers, Guillaume Brossard décide de marier le nouveau terme avec un vieux souvenir de film commercial. Hoaxbuster est né, lancé presque comme une blague. « Halte à la pollution : avec votre aide, nous allons nous efforcer de rétablir la vérité et de lutter contre ces mensonges électroniques », affiche alors le site. Il suffit de quelques mois, et d'un article du Monde, le 1er avril 2000, suivi par de nombreux magazines et télévisions, pour imposer ce qu'il est toujours aujourd'hui : le débusqueur officiel de rumeurs en ligne, avec l'aide de quelques bénévoles, beaucoup de bonne volonté et des bouts de ficelle. Aujourd'hui, 500 000 visiteurs y passent chaque mois pour en avoir le cœur net.

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En quinze ans, la tâche n'a cessé d'augmenter. Le hoax revient comme la grippe, mutant au gré de l'actualité ou du simple temps qui passe. Ses formes sont variées : canular, poisson d'avril, fausse information, rumeur ou légende urbaine. Ses modes de transmission aussi ont changé, suivant l'évolution d'Internet. D'abord sur les BBS (bulletin board systems, systèmes d'échange de messages en ligne), IRC (Internet relay chats, discussions sur Internet), plateformes de discussion multiutilisateurs. Puis sur les forums et dans les boîtes aux lettres électroniques. En 2014, les hoax se propagent principalement sur les réseaux sociaux.

Parti de trois copains, le site fonctionne maintenant avec une équipe d'une cinquantaine de personnes, tous bénévoles, dont une quinzaine de rédacteurs actifs. « Le modèle de Hoaxbuster est unique parmi les sites s'intéressant aux rumeurs. Il est basé sur le participatif ; les internautes peuvent contribuer, enrichir », explique son fondateur. 

C'est d'ailleurs parmi ces contributeurs que les fondateurs puisent les bénévoles, qui deviennent de précieuses aides dans la gestion quotidienne du site. La méthode est simple : « Nous prenons une rumeur que nous avons vue plusieurs fois être reprise, pour ne pas servir de caisse de résonnance. Puis, nous découpons l'information en éléments vérifiables, que nous détaillons un à un. » Les ressources sont trouvées en ligne ou par téléphone. Le travail ne manque pas, que les rédacteurs exécutent sur leur temps libre. Avec la croissance des communications en ligne, les fausses informations explosent. « Entre 10 % et 20 % des messages postés en ligne sont des hoax, estime Guillaume Brossard, quel que soit le vecteur de transmission. »

La boîte de réception de Hoaxbuster est le reflet de l'époque, accueillant ces messages et permettant un échantillonnage des canulars. Ces jours-ci, la moisson est assez diversifiée. Le Gorafi, site d'actualité parodique, et tous ses avatars sont aujourd'hui les plus gros pourvoyeurs d'« infaux ». Du côté des rumeurs, le moment n'est pas à la rigolade. Les messages xénophobes et islamophobes affluent plus que d'ordinaire, souvent originaires d'une « fachosphère » de plus en plus active.

Lire aussi l'enquête (édition abonnés) : Comment rumeurs et intox se propagent par e-mails, en chaînes

UN RISQUE DE MANIPULATION ?

Le modèle de Hoaxbuster n'est pas très rentable. Les revenus publicitaires suffisent tout juste à couvrir frais d'hébergement et de maintenance. Et s'il reste un peu d'argent, il est mis de côté dans l'attente d'une prochaine refonte. Le succès et l'excellent référencement font néanmoins de Hoaxbuster une pépite intéressante. En France, le site n'a qu'un petit cousin, Debunkers, spécialisé dans les hoax en provenance de l'extrême droite. A l'étranger, son succès n'a pas d'équivalent. Le site américain Snopes jouit d'une notoriété bien inférieure, si on la rapporte à la population anglophone.

Comme tout site de référence, Hoaxbuster attire les intérêts divers. Les grandes marques cherchent à s'y faire blanchir et se débarrasser de messages trop viraux, comme Microsoft, McDonald's ou Danone. « Danone voulait qu'on parle du lien fait, à tort selon eux, entre probiotiques et obésité. Ils nous ont même fourni de nombreuses études et documents en appui. Mais tous les experts avaient des liens avec l'entreprise agroalimentaire. Nous n'avons donc rien publié », relate Guillaume Brossard.

Le risque pour un site si visible est celui de la manipulation. Le bénévolat et son fonctionnement en équipe assurent à Hoaxbuster son indépendance, et le site ne peut être partial, « puisqu'il part des faits », estime Guillaume Brossard.

« Hoaxbuster fait un très bon boulot, dit pour sa part Pascal Froissart, sociologue à l'université Paris-VIII, spécialiste des rumeurs et de leur propagation. Mais ils ont très peu de moyens, et sont débordés par une mission qui les dépasse. Le site court le risque de se faire enfumer par des spécialistes. Et, souvent, ce n'est que la validation par une communauté de la version officielle des faits. »

Pour conjurer ces risques, le sociologue défend l'idée d'un genre de « service public de rectification des rumeurs ». Piste à laquelle Guillaume Brossard ne croit pas : « Si nous étions un organe officiel, plus personne ne nous ferait confiance. »

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