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« Charlie Hebdo » face à un afflux d’argent inédit

Pérénnité du journal, soutien au victimes, fondation... L’avocat Richard Malka précise l’usage des fonds reçus

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Publié le 24 février 2015 à 10h44, modifié le 19 août 2019 à 13h21

Temps de Lecture 4 min.

Cette fois-ci, le tirage ne sera « que » de 2,5 millions d’exemplaires, contre huit au total pour le numéro précédent, sorti le 14 janvier. Mais tous ces chiffres restent exceptionnels pour Charlie Hebdo, à la veille de son nouveau numéro attendu en kiosques mercredi 25 février, un mois et demi après les attentats du 7 au 9 janvier.

« Il y a eu un grand élan de solidarité et les montants des dons reçus et des recettes prévues sont totalement décalés. Charlie Hebdo n’était pas fait pour avoir autant d’argent », explique Richard Malka, l’avocat du journal depuis vingt-deux ans. Ce dernier détaille comment Charlie Hebdo compte gérer la quinzaine de millions d’euros attendue, tout en précisant que les derniers chiffres ne sont toujours pas définitifs.

4,2 millions d’euros de dons

D’abord, les dons ont atteint 4,2 millions d’euros environ, que le journal ne veut pas garder mais donner aux familles des victimes. Sur ce total, 2,65 millions arrivent par l’intermédiaire du fonds Presse et Pluralisme, une association créée par les éditeurs pour faire transiter des contributions défiscalisées. Des particuliers et des entreprises les ont notamment versées via la plateforme en ligne JaideCharlie.fr. La somme hébergée par Presse et Pluralisme pose un problème fiscal particulier, souligne toutefois Me Malka, car ce fonds doit en principe aider des entreprises de presse, pas des victimes. De plus, Charlie Hebdo devrait payer des impôts s’il versait des fonds aux familles. Mais une discussion est en cours avec le ministère des finances pour autoriser un versement direct à l’association des amis de Charlie Hebdo, raconte l’avocat.

Cette dernière a été créée « quelques semaines » avant le 7 janvier, afin d’accueillir de l’argent des soutiens, à l’époque où le journal cherchait 200 000 euros pour éponger ses pertes, et un peu plus si possible. La structure a centralisé le reste des dons, soit 1,5 million d’euros reçus en direct, expose Richard Malka, ajoutant que l’association doit renouveler son bureau. Il faut en effet un président (non salarié) pour remplacer Georges Wolinski, décédé. L’actuel secrétaire général est l’avocat Christophe Thévenet. Et l’association a commencé à réunir un groupe d’avocats pour régler la question, délicate, des versements aux familles des victimes, elles-mêmes en train de se constituer en association, raconte M. Malka.

« Cela va prendre des mois »

« Comment repartir ? Il n’y a pas de règles évidentes, cela va prendre des mois », prévient l’avocat qui liste certaines des questions soulevées : comment indemniser les familles des morts, des blessés ? Faut-il verser aux conjoints, aux enfants, aux frères et sœurs ? Comment se coordonner avec les indemnisations prévues par le fonds de garantie pour les victimes d’attentats et la Sécurité sociale ? Il y a une volonté de ne pas faire de « distinction » entre victimes, note l’avocat, incluant les douze personnes tuées à Charlie Hebdo, dont un employé d’un prestataire et deux policiers, plus les victimes de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes à Paris et la policière tuée à Montrouge, ainsi que les blessés, dont quatre membres de la rédaction de Charlie Hebdo, mais aussi un joggeur touché par des tirs.

A ces sommes s’ajouteront les droits d’auteurs perçus sur la vente de numéros spéciaux, comme celui édité par Fayard, ou de DVD.

Les ventes historiques du numéro « Tout est pardonné » seront affectées à Charlie Hebdo. Mais aussi à un projet de fondation. Sont concernés 10 à 12 millions d’euros de marge environ, selon Me Malka, qui rappelle que d’autres acteurs de la presse ont bénéficié de cet afflux vers les kiosques, imprimeurs ou distributeurs (ces derniers ayant toutefois renoncé à leur part pour le premier million d’exemplaires). Toutefois, cette somme pourrait être réduite à environ 7 ou 8 millions d’euros après impôt sur les sociétés. Les quelque 220 000 abonnements souscrits devraient eux générer environ 3 millions d’euros de marge.

Ces recettes viennent prendre le relais du million d’euros d’aide versé par le ministère de la culture de Fleur Pellerin pour gérer l’urgence. Elles serviront à louer et équiper de nouveaux locaux sécurisés dans le 13e arrondissement de Paris, mais surtout à assurer la pérennité du journal.

Un actionnariat plus coopératif

« L’ampleur du soutien reçu nous donne aussi des obligations, pense M. Malka. Il est indispensable qu’une partie des recettes aille à une fondation qui a un but plus large : soutenir le dessin de presse. Par la formation, la pédagogie dans les écoles ou l’aide aux dessinateurs dans le monde. » Selon l’avocat, il est trop tôt pour savoir quelle somme sera affectée à la fondation et qui dirigera cette dernière. Consacrée à la « liberté d’expression précieuse qui s’exprime par le dessin de presse », la structure ne se focaliserait pas sur la laïcité, même si « de fait, là où sont menacés des dessinateurs, c’est souvent pour des questions religieuses », explique Richard Malka militant de longue date pour la laïcité.

Restera enfin la question de la gouvernance de l’entreprise, sur laquelle la rédaction souhaite davantage de transparence et une approche plus collective. Une des revendications est de passer à un actionnariat plus coopératif, à l’occasion de la refonte du capital liée au décès de Charb, qui détenait 40 % des parts (à égalité avec Riss, le directeur financier Eric Portheault en possédant 20 %). Il a déjà été décidé qu’il n’y aurait pas de distribution de dividendes pendant trois ans, précise l’avocat. La rédaction veut un débat rapidement. L’avocat l’estime « légitime » mais pense, comme Riss, que les discussions doivent se faire de façon « apaisée », pas dans « l’urgence ».

Pour l’heure, alors que tout le monde se souvient des pénuries de Charlie Hebdo en kiosques le 14 janvier, le nouveau numéro doit être diffusé à 700 000 exemplaires mercredi, puis 450 000 jeudi et 300 000 les jours suivant. Ensuite, 250 000 exemplaires seront exportés. A la « une », un chien Charlie Hebdo poursuivi par d’autres canidés : Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy, BFM-TV, un financier et… un fanatique avec kalachnikov. « Charlie Hebdo ne peut pas être le seul à porter la question du blasphème, la pression serait trop forte », insiste enfin Richard Malka.

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