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Nicolas Sarkozy, vingt-cinq ans d'investissement dans les médias

Nicolas Sarkozy a su lier des relations étroites avec les dirigeants d'un certain nombre de médias. Un travail de longue haleine qui porte parfois ses fruits.

Par Raphaëlle Bacqué

Publié le 19 février 2007 à 15h13, modifié le 23 avril 2009 à 13h02

Temps de Lecture 4 min.

Nicolas Sarkozy lâche souvent cette mise en garde ironique aux journalistes : "C'est drôle, je connais tous vos patrons..." Ce n'est pas une fanfaronnade. Vingt-cinq ans d'investissement ont porté leurs fruits : même s'il est loin d'avoir avec tous des relations amicales, le président de l'UMP n'ignore aucun dirigeant des médias. Il connaît leur parcours, l'état capitalistique de leur groupe, leurs rivalités de pouvoir, leur vie privée.

Ce travail-là a d'abord commencé à Neuilly-sur-Seine, lorsqu'il en est devenu le maire, en mars 1983, à 28 ans. Il y a alors parmi ses administrés le gratin de l'audiovisuel, du cinéma, de la politique et de la publicité, de Martin Bouygues à Patrick Poivre d'Arvor ou Jacques Attali. Des patrons, des stars du 20 Heures, des rois du marketing, régulièrement invités à la mairie de Neuilly pour des dîners décontractés. En 1985, l'édile crée carrément un club, Neuilly Communication, dirigé par Gérald de Roquemaurel, cadre montant, puis PDG d'Hachette Filipacchi jusqu'à ce qu'Arnaud Lagardère l'écarte, en octobre 2006.

S'y côtoient Arnaud de Puyfontaine (PDG du groupe de presse Mondadori-France, ex-Emap), Nicolas de Tavernost (patron de M6), Guy Verrecchia et Alain Sussfeld (à la tête d'UGC), Philippe Gaumont (agence de publicité FCB), l'afficheur Jean-Claude Decaux ou le patron de la Sacem, Jean-Loup Tournier.

Désormais, une partie de la carrière de Nicolas Sarkozy va aussi se construire dans les médias. Le groupe TF1 est, depuis 1989, dirigé par Martin Bouygues, à qui son père, Francis, a passé la main. "Martin" et "Nicolas" sont amis - Martin Bouygues fut témoin au mariage de Nicolas et Cécilia Sarkozy et est le parrain de leur fils Louis. Le premier se sait méprisé par les barons du groupe et les patrons des médias. Le second est l'un des jeunes espoirs du RPR. Télégénique et ami de Martin Bouygues, deux bonnes raisons d'être un invité régulier de TF1.

En 1992, lorsque la chaîne est sanctionnée par le CSA parce qu'elle ne diffuse pas son quota de productions françaises, Nicolas Sarkozy, au nom de l'opposition, vient condamner sur TF1 "la réglementation absurde" et promet que, si la droite l'emporte aux législatives de 1993, elle reviendra sur ces mesures.

En mars 1993, le voici ministre du budget d'Edouard Balladur. Un poste stratégique où se décide une partie des aides à la presse. Le ministre reprend en outre le portefeuille de la communication en juillet 1994, après la démission d'Alain Carignon. Il a déjà un carnet d'adresses ultra-fourni, qui va d'Alain Minc (aujourd'hui président du conseil de surveillance du Monde) à Bernard Arnault (qui, à la tête de LVMH, est présent dans la presse économique), en passant par François Pinault, qui rachète en 1997 Le Point et sera l'un des plus ardents à plaider la cause de Sarkozy auprès de Jacques Chirac en 2002.

Ministre, il apprend très concrètement la structuration capitalistique des groupes de presse. Si les rédactions sont souvent séduites par la gauche, leurs patrons sont traditionnellement plus libéraux que socialistes. Et ceux-là ont trouvé en Sarkozy un homme qui les comprend. En somme, un "bon client".

Seulement, le bon client inverse parfois les rôles. Nicolas Sarkozy n'a alors pas rompu avec son activité d'avocat d'affaires. En vingt-cinq ans, son cabinet a défendu les hommes les plus puissants des médias : Serge Dassault, pour qui il a en partie réglé la succession de son père Marcel (le groupe Dassault possède aujourd'hui plusieurs journaux, dont Le Figaro) ; Stéphane Courbit, le président d'Endémol, qui produit de nombreuses émissions dont celles de Marc-Olivier Fogiel, lié lui aussi à Nicolas Sarkozy.

Ministre de l'économie, en 2004, il va aussi s'allier définitivement Arnaud Lagardère, avec lequel il entretenait déjà des relations d'amitié. C'est lui qui réglera en effet, après la mort de Jean-Luc Lagardère, la succession du groupe, alors même qu'un conflit menace d'opposer le fils Arnaud et sa belle-mère, Bethy. Jusque-là, Jean-Luc Lagardère s'était gardé de choisir un camp politique, afin de préserver son groupe d'armement, étroitement dépendant des commandes publiques. Avec Arnaud, les choses sont plus nettes. Et Nicolas Sarkozy a tendance à se conduire en terrain conquis. Alain Genestar, alors patron de Paris Match, affirme ainsi avoir été licencié du groupe Hachette Filipacchi pour avoir publié en couverture, à l'été 2005, une photo de Richard Attias et Cécilia Sarkozy, soulignant ainsi les difficultés conjugales du ministre de l'intérieur.

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En décembre 2006, alors que l'arrivée de Christian de Villeneuve comme directeur des rédactions du groupe paraissait devoir condamner Jacques Espérandieu, directeur de la rédaction du Journal du dimanche, M. Sarkozy cherche à intervenir. Soucieux de ne pas paraître à l'origine de l'éventuelle éviction de M. Espérandieu, il le convie place Beauvau, pour lui proposer sa protection. Offre, semble-t-il, déclinée par le journaliste, finalement resté à son poste. Ce qui fait dire aujourd'hui aux cadres d'Hachette que c'est bien le candidat UMP qui a calmé le jeu dans un conflit interne au groupe.

Arnaud Lagardère ne s'en cache pas. En avril 2005, lorsqu'il fit de Nicolas Sarkozy l'invité d'honneur du séminaire de son groupe à Deauville, c'est avec ces mots qu'il le présenta : "Nicolas n'est pas un ami, c'est un frère."

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