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Attentats en France : enquête sur l'argent des terroristes

ENQUETE - Une étude du centre d’analyse du terrorisme chiffre à 26.000 euros et 82.000 euros les financements des attentats de 2015 à Paris. Moins de 2.500 euros ont suffi au kamikaze de Nice…

Stéphane Joahny , Mis à jour le
Un policier devant le Bataclan en mars 2016.
Un policier devant le Bataclan en mars 2016. ©

 

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Un policier devant le Bataclan en mars 2016. (Reuters)

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Le terrorisme sous le prisme de l'argent. On savait déjà que les attentats qui ont ensanglanté Paris en 2015 (147 morts, plus de 650 blessés) n'avaient pas coûté des mille et des cents. Le ministre des Finances, Michel Sapin, avait même estimé en décembre 2015 à moins de 30.000 euros les moyens financiers mis en œuvre par les commandos de novembre 2015. Le centre d'analyse du terrorisme (CAT), premier think thank européen spécialisé, a épluché les comptes de Coulibaly, Kouachi, Abaaoud, Abdeslam et consorts. Ses conclusions : moins de 26.000 euros ont été dépensés par les tueurs deCharlie et de l'Hyper Cacher pour préparer les deux attentats ; 82.000 euros pour ceux du Bataclan, des terrasses et du Stade de France…

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Commerce illicite de vêtements et chaussures made in China

Dans une note de septembre 2016 intitulée "Le financement des attentats de Paris" que le JDD a pu consulter, le CAT reconstitue ainsi chaque poste de dépense (armement, logements, véhicules, téléphonie, faux papiers, déplacements…) et détaille la source de ses financements. Pour les attentats de janvier, les chercheurs arrivent à un total de 25.800 euros, dont près de 21.000 pour le seul volet armement (deux pistolets-mitrailleurs CZ, six pistolets Tokarev, un revolver, deux fusils d'assaut et deux pistolets ­Zastava, un lance-roquettes…) Pour réunir cette somme, Amedy Coulibaly et les frères Kouachi ont puisé dans leurs fonds propres, alimentés notamment par un commerce illicite de vêtements et chaussures made in China, et surtout multiplié les crédits à la consommation.

Le financement des attentats de novembre est plus complexe. Aux subsides fournis par les trésoriers de l'État islamique en Syrie (2.000 à 3.000 euros par terroriste), il faut ajouter les revenus de l'exploitation et de la vente du bar de Molenbeek des frères Abdeslam, le fruit d'une collecte en Grande-Bretagne (3.800 euros) auprès de "sympathisants" opérée par Mohamed Abrini ou en région parisienne (4.000 euros) par l'entremise de la cousine d'Abaaoud… Côté dépenses, l'étude du CAT arrive à un total de 82.000 euros dont un tiers - premier poste avec 27.000 euros - consacré aux déplacements des membres des commandos qui ont dû traverser l'Europe, sans oublier les nombreux allers-retours entre la Belgique et la Grèce ou l'Europe de l'Est effectués par Salah Abdeslam dans les mois précédant le 13 novembre. La location de "logements conspiratifs" en Belgique et en banlieue ­parisienne (Bobigny, Alfortville) est chiffrée à 20.000 euros. L'armement (six fusils-mitrailleurs de type AK-47, un pistolet Browning, des vestes explosives) à 16.000 euros. Les frais de location de 11 véhicules à 11.000 euros. Les faux papiers et la téléphonie à 8.000 euros au total…

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"Sans harmonisation européenne, ces efforts seront vains"

"Ce que nous avons aussi voulu souligner dans cette étude, insiste le président du CAT, Jean-Charles Brisard, c'est l'importance pour les terroristes des outils, disponibles légalement, comme les services de transfert d'argent, les cartes bancaires et les cartes SIM prépayées, qui préservent l'anonymat des utilisateurs. Exactement comme les applications de messagerie chiffrée qui sécurisent leurs communications. L'abaissement du plafond, à partir duquel une pièce d'identité est demandée pour continuer à utiliser une carte bancaire prépayée, de 1.000 euros à 2.500 euros, va dans le bon sens mais c'est insuffisant. D'autant que sans harmonisation européenne, tous ces efforts seront vains…" Ces cartes prépayées ont notamment été utilisées par Amedy Coulibaly et Salah Abdeslam.

Parmi les préconisations émises par le CAT, au regard des modes de financement mis au jour dans ces deux dossiers, figurent notamment la mise en place d'un "registre central des prêts à la consommation accessible à Tracfin [acronyme de Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins, Tracfin est une cellule du ministère de l'Économie et des Finances chargée de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme]" et l'établissement d'une "grille d'alerte pour identifier les retraits suspects".

2.500 euros pour Nice

Nombre d'islamistes ont en effet vidé leur compte bancaire avant de partir en Syrie, à l'instar de Hayat Boumeddiene, la compagne de Coulibaly. Tracfin est-il alerté aujourd'hui si un suspect fiché S retire en liquide tout l'argent disponible sur son compte? "Non, répond Jean-Charles Brisard. Une banque pourrait toutefois signaler à Tracfin une transaction suspecte (par exemple en cas de retrait en espèces de plus de 10.000 euros), mais dans le cadre d'une déclaration de soupçon classique. Le dispositif de la loi du 3 juin 2016 (article 32) permettant à Tracfin de signaler aux établissements bancaires ou de crédit les personnes présentant un risque important de financement du terrorisme (et donc potentiellement des fichés S) n'est pas encore applicable. Un décret en Conseil d'État pour son application est prévu pour ce mois-ci."
 
Même s'il avait été en vigueur en juillet 2016, le texte n'aurait pas permis d'empêcher Mohamed Lahouaiej Bouhlel de vider son compte et de passer à l'action sur la promenade des Anglais. Le kamikaze de Nice était jusque-là inconnu des services de renseignement. Selon plusieurs sources concordantes, le budget de cet attentat (86 personnes tuées et plus de 430 blessées) n'a pas dépassé les 2.500 euros, une somme suffisante pour acheter une arme et louer pour trois jours un camion de 19 tonnes… 

Source: JDD papier

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