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Présidentielle 2017
Le fait du jour

Pourquoi le peuple de droite s'emballe pour François Fillon

Comment François Fillon, qui était à seulement 6% dans les sondages en avril dernier, s'est-il hissé en tête du premier tour de la primaire de la droite en recueillant 44% des voix?

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François Fillon au soir du premier tour de la primaire de la droite le 20 novembre

A l’heure du populisme triomphant, de Trump et du Brexit, le peuple de droite s’emballe pour un candidat qui promet une politique de rigueur à la Thatcher!

Thomas SAMSON / AFP

Tous pour François Fillon: Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire, Laurent Wauquiez, François Baroin, Édouard Balladur, Christian Jacob... Alain Juppé se retrouve isolé dans le camp des Républicains, en dépit du ralliement de deux chiraquiennes historiques, Nathalie Kosciusko-Morizet et Valérie Pécresse. Aucun match n’est jamais perdu d’avance, mais celui-là va être très compliqué pour le maire de Bordeaux, en dépit de sa détermination à se battre jusqu’au bout pour défendre son programme, le seul crédible, selon lui. "Faisable de A à Z", comme dit son soutien Jean-Pierre Raffarin. L’audace absolue affichée par Fillon, contre la détermination raisonnable revendiquée par Juppé. Une question avant tout d’image, de style, de symbolique, car en réalité, dans les faits, leurs programmes ne sont pas si éloignés. Mais l’ancien maire de Sablé met, sur chaque sujet, le curseur au maximum.

Une surprise a bien eu lieu! 44% des voix pour François Fillon. Un miracle même. Sa garde rapprochée osait à peine espérer une qualification au second tour! Et il y a 15 jours à peine, ses supporters se montraient soulagés à l’idée d’avoir sauvé la face avec une défaite probable mais honorable. Pourtant, en dépit d’une courbe de sondage désespérément plate, imperturbable, François Fillon, lui, continuait de déclarer "Je serai au second tour". Sa fidèle conseillère Myriam Lévy répétait: "Nous misons sur la qualité." Son directeur de campagne Patrick Stefanini prêchait sans relâche: "C’est le meilleur programme."

La ténacité a payé. Quelle histoire! A l’heure du populisme triomphant, de Trump et du Brexit, le peuple de droite s’emballe pour un candidat qui promet une politique de rigueur à la Thatcher! Pour un châtelain qui veut mettre à Matignon un homme de la finance, l’ancien patron d’Axa, Henri de Castries. Qui a confié sa com' à Anne Méaux, la papesse du CAC 40. Tout dans le personnage de François Fillon est à l’opposé des vents populistes qui soufflent sur la planète, lui qui est porté par l’élite patronale et la bourgeoisie catholique.

Réceptacle des déçus des deux favoris

Comment cet outsider, qui était à seulement 6% dans les sondages en avril dernier, et dont les meetings ne suscitaient aucun enthousiasme, a-t-il pu connaître une telle envolée? Les sondeurs ont failli, mais pourquoi? En réalité, tout a commencé à tournebouler avec les premiers débats, et s’est accéléré au fur et à mesure qu’on approchait du fameux temps de "cristallisation", moment où les Français finissent par faire leur choix. Les réseaux sociaux ont, comme jamais, amplifié le phénomène, sur fond de grande volatilité de l’électorat dans le cadre d’une primaire.

Par une sorte d’effet domino, les positions acquises par les candidats au fil des mois se sont effondrés. Cela a commencé par la dégringolade de Bruno Le Maire, ce qui a redonné un peu d’espace à François Fillon et lui a permis de reconquérir la place du troisième homme. Puis les attaques de Nicolas Sarkozy contre François Bayrou ont ébranlé Alain Juppé. Les électeurs LR se sont détachés du maire de Bordeaux, par rejet du maire de Pau, par crainte également de voir en Juppé un nouveau Chirac, tant par moment, ses formules, ses accents rappelaient l’ancien président.

Mais les électeurs ne sont pas revenus à l’envoyeur, ils ont migré vers François Fillon. Un monsieur propre, épargné par les affaires, les scandales. D’autant plus que dans le même temps, le député du 7ème s’est montré excellent à la télévision, dans les débats, dans l’Emission politique de France 2, et celle de Karine Le Marchand. Calme, solide dans ses convictions. Il est devenu le réceptacle des déçus des deux favoris: Nicolas Sarkozy qui servait du réchauffé et Alain Juppé qui apparaissait de plus en plus daté.

La personnalité plus que le programme

Dès son entrée en campagne, en février 2013, François Fillon a estimé que, étant donné la probabilité d’un second tour face au FN, la droite avait une chance historique de gagner avec un programme radical. "Il faut des réformes puissantes, déclarait-il à Challenges en octobre 2014. Il y a des bastilles à faire tomber." Il est en passe de se qualifier pour l’élection présidentielle. Mais ensuite? Nicolas Sarkozy a souvent raillé son ancien Premier ministre sur le thème: bon courage pour se faire élire avec une telle promesse d’austérité.

"Une purge patronale", dénonçait même le très libéral Alain Madelin. Pris en tenaille entre une Marine Le Pen qui promet de protéger les Français, et une gauche qui veut défendre le modèle social, aura-t-il suffisamment d’oxygène? Certes les Français veulent des réformes, ils sont très majoritairement favorables à une baisse des dépenses publiques, mais ils sont hostiles à la suppression de l’ISF ou à la retraite à 65 ans. Et comment obtenir l’adhésion du pays quand on prône une hausse de TVA de 2 points pour tout le monde tout en réduisant la fiscalité des entreprises et des privilégiés? Il se pourrait que sa base, très libérale sur le plan économique, soit trop étroite. D’autant plus que sur nombre de sujets de société, et en politique étrangère, il affiche des positions très minoritaires.

Sauf que c’est la personnalité qui dicte le choix lors d’une présidentielle, plus que le programme. Et en affirmant urbi et orbi que ses propositions sont les plus radicales, François Fillon s’est offert une excellente publicité comparative. Persuadés que les hommes politiques finissent toujours par se renier, les Français se disent que celui qui promet le plus fera le plus! Et sa capacité à affronter le politiquement correct a sans doute rassuré les électeurs de la primaire. Qu’il s’agisse de sa volonté de renouer le dialogue avec Poutine, de l’affichage de ses convictions chrétiennes, ou de son attaque frontale contre "la caste des pédagogues prétentieux" de l’Education nationale.

Avec un François Fillon qui a le vent en poupe c’est une nouvelle élection qui commence. En fonction de son succès dans les prochains mois, la configuration de la présidentielle peut évoluer. Pas impossible qu’il reste le grand favori jusqu’en mai. Mais pas impossible non plus qu’il effraie les plus fragiles. Pas impossible que les libéraux préfèrent Emmanuel Macron. Pas impossible que la gauche retrouve un peu d’espace… Rien n’est écrit.

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